Paul Courtin (1928–1993), peintre de la mémoire, des saisons et de l’âme.

Né à Saint-Hilaire de Brethmas en 1928, Paul Courtin a très tôt manifesté une passion irrépressible pour le dessin. Enfant fragile, souvent cloué au lit par la maladie, il trouve refuge dans l’art et la lecture. Dès ses jeunes années, dessin et peinture deviennent pour lui un moyen de résister à l’adversité.

 

Un autodidacte inspiré par la vie et la nature.

Issu d’un milieu sans lien avec l’art, il est contraint d’apprendre par lui-même, guidé uniquement par son instinct. Pendant des années, il partage son temps entre les travaux à la ferme familiale et la peinture, jusqu’à ce qu’il décide, en 1952, de s’y consacrer entièrement malgré de grandes difficultés matérielles.

Dès 1955, ses premières expositions à Alès sont remarquées. En 1957, il fait une rencontre décisive : le céramiste parisien Jean Mayodon, directeur artistique de la Manufacture de Sèvres, devient son mentor. Entre 1958 et 1962, Paul Courtin multiplie les séjours à Paris, se nourrissant des musées et de la fréquentation d’autres artistes. Il découvre l’œuvre de Soutine, qui influencera profondément sa démarche. Son admiration pour Van Gogh, Rembrandt, Bonnard ou Fautrier s’ajoute à ses influences majeures.

 

Une œuvre profondément liée à sa vie.

L’œuvre de Courtin suit les grandes étapes de sa vie, divisée en quatre périodes artistiques majeures :

  • 1952–1959 : « Cévennes » – une peinture enracinée dans la terre natale, la ferme, les figures familiales.
  • 1960–1969 : « Vie pétrifiée » – vers une stylisation croissante et une recherche de structure.
  • 1970–1980 : « Résurrection » – interrogation sur le cycle des saisons, hymne à la vie.
  • 1980–1993 : « Bonheur » – à Saint-Rémy-de-Provence, avec Christine, sa compagne, comme muse et sujet. C’est l’âge de la lumière, du dépouillement, et des grands thèmes spirituels.

Son atelier devient un sanctuaire où les toiles mûrissent lentement, parfois durant des années, selon un processus exigeant qu’il appelait « nourrir ses toiles ». Il refuse toute démarche intellectuelle : chaque œuvre naît d’une émotion vécue, transmise ensuite par la peinture dans un dialogue entre instinct et mémoire.

 

Un peintre du réel transfiguré.

Paul Courtin se définit par une approche unique : une fusion du réel et de l’invisible, une transfiguration du monde. Chaque tableau débute par une émotion saisie sur le motif, traduite par le dessin, puis métamorphosée en une vision intérieure. Ni abstrait ni réaliste, il forge un langage pictural singulier, libre de toute mode. Ses paysages, portraits et scènes bibliques incarnent un univers spirituel sans dogme, profondément humaniste.

Son art est traversé par les grands thèmes de l’existence : la vie, la mort, le sacré, la nature, l’amour. Il considère la peinture comme un acte d’élévation. Très discret sur sa foi, il cherche avant tout à ouvrir l’espace intérieur du spectateur, à proposer une expérience de regard, libre et poétique.

 

Reconnaissance et postérité.

Dès les années 1970, Paul Courtin expose régulièrement dans le Sud de la France et à Paris, notamment à la Galerie Gorosane[1]. En 1981, il s’installe à Saint-Rémy-de-Provence avec Christine, au Mas Amadeo, où il vivra jusqu’à sa mort en 1993. Une rétrospective de 130 œuvres est organisée en 1985 au musée du Colombier à Alès. Peu après sa disparition, l’Association des Amis de Paul Courtin est créée pour préserver et faire rayonner son œuvre.

Plusieurs catalogues ont été publiés entre 1995 et 1999, consultables à la Bibliothèque Kandinsky du Centre Pompidou à Paris. Une grande rétrospective a été préparée en 2002.

 

Un regard de pair : témoignage de Pierre Fernandez (dit Arman[2]).

« Ce paysan de Saint-Hilaire s’est interrogé sans cesse sur le mystère de l’homme. Toute son œuvre repose sur cette quête. À ma première rencontre, ses toiles m’ont désorienté, presque agressé par leur intensité. Ce n’est qu’en 1978, devant sa série sur les saisons, que j’ai compris la puissance cachée de son dessin, la structure de ses compositions. Ce jour-là, j’ai su que j’étais face à un immense artiste ».

 

Paul Courtin, peintre cévenol et universel, reste une figure à part dans le paysage artistique français : discret, farouchement libre, habité par un besoin vital de peindre, il laisse une œuvre d’espoir et de lumière, enracinée dans la terre gardoise et ouverte sur l’infini de l’âme humaine.

[1] Ancienne grande galerie de peinture située dans le quartier des Halles, 18 rue du Roule à Paris, remplacée par la Capitale Galerie.

[2] Peintre du nouveau réalisme, il est considéré comme un des plus grands peintres français du XXème siècle.