Église de Saint-Hilaire : un lieu chargé d’histoire.

Une implantation ancienne.

Extrait du livre de l’abbé André d’après la monographie de Saint-Hilaire d’EJ. Rouverand publiée en 1897 : « pourquoi faut-il que jusqu’en 925 les Vandales ou les Wisigoths, les Francs, les Sarrasins ou les Hongrois –ces profanes de l’art- soient successivement venus détruire sur nos terres ce qu’une puissante race (les Romains) y avait créé. S’ils avaient au moins respecté le Breto Manso[1] que la tradition place encore sur le mamelon de notre Brethmas actuel, mais point du tout, c’est à peine si les derniers conquérants christianisés ont laissé enfin construire à mi-côte et vers le IXème siècle, croyons-nous, un prieuré solide, aujourd’hui l’église démantelée ». C’est donc probablement au IXème siècle qu’une première église est édifiée sur cet antique lieu de peuplement gallo-romain ; les appellations mansus de Bretote et Breto Manso apparaissent dans des chartes du XIIème et XIIIème siècle. Il faut les rapprocher de Berthomates, appellation donnée à un village dans une charte de l’an 810. L’église est donc mentionnée, pour la première fois, dans un texte latin qui évoque une donation. Ce texte est présent dans le tome II de l’Histoire générale de Languedoc par Claude Devic.

Aussinde, abbesse du monastère de bénédictines d’Anduze, donne au monastère d’Aniane (dans l’Hérault) des propriétés qui se trouvent aux environs d’Anduze, à savoir une villa[2] nommée Berthomates comprenant manses[3], champs, enclos, jardins, tous bordés de chemins, l’église de Saint-Hilaire qui a été édifiée dans ce lieu, oliveraies et habitations que l’on peut voir autour, des terres cultivées et incultes, vignes complantées d’arbres, prés, pâturages, garrigues, moulins[4], cours d’eau traversant cette campagne.

Au XIIème siècle, alors que la paroisse de Saint-Hilaire dépend, maintenant, de la riche Abbaye de Cendras, les Templiers, ordre militaire et religieux, édifient, sur cet emplacement, une église romane consacrée à Saint-Hilaire[5], qui fut évêque de Poitiers lors de l’expansion du christianisme en Gaule et mourut en 367.

Lorsque l’Ordre des Templiers[6] est interdit par le roi Philippe le Bel en 1307, leurs biens sont confisqués et les chevaliers de Malte s’implantent à Saint-Hilaire. Les chevaliers de Malte de la commanderie de Saint Christol possédaient, sur la commune, des biens considérables dont une partie fut cédée à l’abbaye de Saint Bernard des Fonts à Alais[7]. On trouve la croix de Malte gravée dans la pierre sur la face est de l’église romane qui a remplacé l’église primitive.

Comme toutes les églises, la nef était orientée d’est en ouest, et le porche d’entrée était très probablement situé sur la façade ouest ; cette partie de l’église a disparu.

 

Des travaux entrepris et une affirmation du catholicisme au XVIIème siècle.

Au XVIIème siècle, Mgr[8] Cohon, vicaire de Nîmes, fait une visite pastorale en 1663 et recense 80 maisons huguenotes et 8 familles catholiques. L’édit de Nantes, signé au Château des ducs de Bretagne, par le roi Henri IV le 30 avril 1598[9], a permis aux protestants de la commune d’affirmer leur foi. Ces derniers étaient majoritaires à ce moment-là, ils ont été particulièrement sensibles aux réformes et notamment à celle de Jean Calvin[10].

En 1675, Mgr Séguier vient, à son tour, dans la commune et constate qu’il pleut dans l’église en plusieurs endroits et le pavé a besoin d’être refait. En 1679, l’abbesse d’Alais cède aux paroissiens une ancienne chapelle qui fut considérablement agrandie, avec des matériaux provenant des ruines de l’ancien mur d’enceinte du village.

Les travaux étaient terminés en 1686, lors des conversions produites par la révocation de l’édit de Nantes. En 1685, pas de conversion obligatoire pour les protestants mais obligation de faire baptiser les enfants dans la religion catholique. L’édit de Fontainebleau, signé le 18 octobre 1685, marque le retour en force du catholicisme. Néanmoins, comme en témoignent les statistiques du XVIIème siècle, on assiste à peu de retour vers le catholicisme à Saint-Hilaire à cette période.

En 1688, c’est l’évêque de Nîmes qui se rend sur place et constate une partie de la nef non pavée, un puits couvert de planches, où les habitants viennent puiser l’été, le cimetière n’est pas clos et il n’y a pas de cloche au clocher. C’est probablement au début du chantier de la construction par les Templiers au XIIème siècle que fut creusé un puits de 22 mètres de profondeur qui a résisté aux guerres de religion. Devant ce constat de délabrement, l’évêque de Nîmes ordonne des travaux. En 1694, un évêché est créé à Alais et Saint-Hilaire y est rattaché. L’évêque d’Alais, en visite en 1696, demande les mêmes travaux que son prédécesseur.

 

 

Le 21 février 1704, Jean Cavalier[11], acteur majeur de la guerre des Cévennes[12] brûle le château de Saint-Hippolyte-de-Caton et l’église de Saint-Hilaire de Brethmas ainsi que son presbytère.

En 1723, l’église est bien réparée (sans la nef) mais elle a un puits qui la rendait « difforme humide et malsaine » selon Mgr de Rochebouet, vicaire général d’Alais. Pour lui, ce puits ne servant qu’en cas de grande sècheresse, il serait aisé d’en construire un en dehors de l’église. Il fit une ordonnance en ce sens, il ordonne la clôture du cimetière et la construction d’une maison presbytérale qui sera à côté. En 1727, le conseil municipal donne son accord pour reconstruire le presbytère sur l’emplacement de l’ancien attenant à l’église. Cette même année, l’église est complètement réparée comme en atteste les différences de pierres visibles sur l’édifice.

La mention de la paroisse de Saint-Hilaire se trouve également dans les bénéfices dépendant de l’abbaye de Cendras. Le curé de Saint-Hilaire sera nommé par l’abbé de Cendras, jusqu’à l’année 1790.

 

Des travaux et une réorganisation au cours du XIXème siècle.

Sous la Terreur « la ci-devant église a été convertie en temple de la raison » et le presbytère est devenu la maison de l’instituteur. A la chute de Robespierre[13], les cultes révolutionnaires n’ont pas résisté à leurs fondateurs et le peuple des campagnes est resté attaché à sa religion traditionnelle. Le conseil municipal écrit à la ville d’Alais pour récupérer l’église, avec un recensement fait d’environ 100 personnes du culte catholique et 500 personnes du culte protestant.

Au début du XIXème siècle, et depuis la révolution française, l’église fut dévastée et abandonnée jusqu’en 1834. Encore à ce moment là, les 4/5 de la population sont protestants.

Cette année-là, l’église est rouverte, bénite par l’abbé Louis de Beauchard, curé d’Alais. Le puits, situé dans l’église, est alors fermé. Ce puits serait certainement tombé dans l’oubli de l’histoire locale si, à l’été 1950, la sécheresse ne l’avait pas réactivé[14].

Le 1er juin 1849, l’abbé Cadenet prend possession des locaux. Sous son administration, l’église est complètement transformée ; une porte est ouverte à l’un des bras du transept côté sud (entrée actuelle), l’autre bras devient le sanctuaire et l’ancien cœur fut converti en chapelle de la sainte-Vierge ; un nouveau fut construit à la même époque.

C’est en 1856, que l’autel est déplacé, face au nouveau porche d’entrée, créé sur la façade sud ; l’ancien presbytère avait été vendu, comme bien national, un nouveau sera également construit à gauche de l’entrée actuelle de l’église, deux années auparavant, à la fin de l’année 1854.

Ce sera seulement cette même année 1854, que le conseil municipal décidera la création d’un cimetière en dehors du village[15], accessible pour chaque culte. Malgré les demandes de travaux, le cimetière, dans le vieux village, n’a jamais été clos et lorsque l’on a fait des travaux d’adduction d’eau en 1956, on a retrouvé, dans ce secteur, des ossements provenant du vieux cimetière, jusque sous l’ancienne école.

Mais, comme il existe des dissensions entre catholiques et protestants, l’accès à ce nouveau cimetière se fera par deux portes distinctes. Les deux lieux de repos seront contigus et séparés seulement par un mur. En 1893, il est demandé à ce que le mur de séparation soit détruit de façon à ce que le cimetière ne fasse plus qu’un, conformément à la loi de 1881[16]. Le travail d’agrandissement du cimetière est achevé. Le 19 mai 1911, le conseil municipal demande la création d’un cimetière à la Jasse, hameau en expansion.

Avec la loi de 1905, dite de séparation des églises et de l’État, les églises et les presbytères deviennent propriété de l’État. En 1934, des travaux prévoient de refaire une toiture neuve en tuiles de Marseille et de remplacer 500 tuiles rondes scellées au mortier.

Il faudra attendre le milieu du XXème siècle (années 1960) pour que s’apaise complètement la méfiance accumulée entre les deux communautés pendant 400 ans et que l’on assiste à des mariages mixtes.

Grâce à des travaux de restauration réalisés à la fin des années 1980, l’aspect de l’église est aujourd’hui très proche de celui que l’on pouvait voir au milieu du XIXème siècle. Elle est répertoriée par les Monuments Historiques depuis 1963

[1] Du latin mansus : maison et terres.

[2] Le terme villa ne fait pas référence à un domaine gallo-romain mais à une agglomération correspondant à un village ou à un hameau.

[3] Dérivé de mansus, exploitation rurale avec maison et terres. Dans le Sud de la France, manse est devenu mas, désignant une ferme, une habitation rurale isolée, mais aussi par extension un quartier rural.

[4] Ici des moulins à eau.

[5] Plusieurs références à Saint-Hilaire apparaissent : la paroisse de Sanctus Ylari de Breto manso en 1384 (dénombrement de la sénéchaussée). Ecclesia sancti Ylari en 1386 (répertoire du subside de Charles VI). Saint Ylaire de Brethmas (répertoire du subside de Charles VII). Donc, nous trouvons l’orthographe actuelle de Saint-Hilaire de Brethmas au XIVème siècle et nous constatons que la paroisse était dédiée à Saint-Hilaire.

[6] Ordre religieux et militaire fondé en 1119 que l’on trouve à Alais dès 1143.

[7] L’écriture d’Alès dans sa forme actuelle remonte à un décret ministériel de juillet 1926.

[8] Monseigneur.

[9] Il s’agit d’un acte législatif émanant directement du roi qui instaure le droit aux protestants de pratiquer leur religion à certaines conditions et dans certains lieux.

[10] A partir de 1936, le calvinisme affirme que pour obtenir le salut de l’âme le croyant doit appliquer l’enseignement de Jésus tel qu’il est exposé dans la Bible et les écrits des Apôtres.

[11] Voir le panneau d’interprétation fait sur la rencontre entre Jean Cavalier et le marquis de la Lande en 1704.

[12] Plus communément appelée guerre des camisards, c’est un soulèvement des paysans protestants des Cévennes et du bas Languedoc sous le règne de Louis XIV.

[13] Exécution le 28 juillet 1794 (10 thermidor de l’an II dans le calendrier républicain).

[14] Voir le panneau d’interprétation sur la fontaine du village.

[15] A son emplacement actuel au chemin des vignerons.

[16] La loi du 14 novembre 1881 met fin à l’existence des carrés confessionnels au sein des cimetières.